1. Pitch c/ pitch:
L’affaire Pitch a défrayé la chronique ces derniers temps et en y
regardant de près, c’est plutôt surprenant !
Pasquier est propriétaire de la marque Pitch pour des brioches bien
connues. Mais le mot « pitch » est aussi un terme couramment utilisé pour
résumer un film ou une œuvre ou encore dans le marketing pour présenter de façon
courte et précise un projet par exemple.
Le groupe Pasquier étant titulaire de plusieurs marques déposées
dans de nombreuses classes, a engagé diverses actions contre des start-up
françaises (pas du tout concernées par l’alimentaire) utilisant le mot Pitch
(L’école du Pitch, Pitch in the plane …) en leur demandant de renoncer à ce
terme.
Si une marque est un titre de propriété intellectuelle qui confère
un monopole à son titulaire dans un domaine d’activités, il n’est en revanche
pas question de privatiser un terme qui peut être employé par tous dans le
langage courant dans son sens usuel.
La marque Pitch de Pasquier n’est toutefois pas exploitée dans de
nombreuses classes et sa démarche est-elle réellement constructive ? Pasquier
essaie de se préserver d’une éventuelle dégénérescence mais on ne comprend pas
sa démarche. Nous ne sommes pas en présence d’une marque nommant un produit ou
service qui correspond au mot utilisé dans le langage courant comme ce fut le
cas pour Pinacolada, Aspirin, Velux, Pédalo ou Caddie. Ces marques désignent
bien le produit usuel (et il est compliqué de lui substituer un autre terme) et
soit le titulaire réagit contre les usages de sa marque, soit il ne fait rien et
sa marque tombe dans le domaine public.
A titre d’exemple, SFR, titulaire de la marque Texto a défendu bec
et ongles sa marque pendant des années avant de laisser la marque être utilisée
par tous comme un mot usuel et courant pour désigner un court message envoyé par
téléphone.
Pitch se lance donc dans une bataille sans grand intérêt puisque sa
marque doit naturellement être défendue dans le domaine alimentaire pour
préserver sa valeur juridique (et patrimoniale) mais elle risque à terme la
déchéance sur les classes qui ne sont pas exploitées et ne pourra interdire à
quiconque d’utiliser le mot « pitch » dans son sens courant !
2. Marque
OÉ c/
Marque OE:
La Cour de Paris décide le 14 novembre 2017 que le signe contesté
OE ne contrefait pas la marque verbale antérieure OÉ. S’il est exact que dans
certains cas l’adjonction ou la suppression d’un élément tel qu’un accent ou une
apostrophe n’empêche pas la reproduction, c’est uniquement lorsque la différence
typographique n’est qu’insignifiante, ce qui n’est pas le cas en l’espèce. En
effet, la marque invoquée ne comporte que deux caractères et se retrouve, de ce
fait, modifiée à 50 % par cette suppression d’accent sur le E. Les deux signes,
en raison de ces différences visuelle et phonétique, ne sont en définitive que
faiblement similaires.
Le risque de confusion est ici inexistant puisque, par ailleurs, le
client ne découvrira le signe contesté, sur le couvercle et le blister des
produits, qu’après avoir ouvert leur emballage qui ne comporte que la marque
Oenobiol.
De même, il ne verra le signe contesté sur les pages du site
internet « oenobiol.com » qu’après avoir ouvert le site à ce nom. Il saura donc
pertinemment qu’il est en présence d’un produit Oenobiol qu’il recherche et non
d’un produit OÉ.
3.
Nullité des marques Garum et Garum Armoricum
:
La Cour de Paris a jugé le 12 décembre 2017 que les marques Garum
et Garum Armoricum étaient nulles pour défaut de caractère distinctif pour les
produits des classes 5 et 29.
Depuis l’Antiquité, le terme latin « garum » désigne communément
une préparation de viscères et de morceaux de poissons reconnue pour ses vertus
médicinales naturelles. Certes, il ne s’agit pas d’un terme courant connu du
grand public, mais pour le public visé, il est descriptif s’agissant de produits
pharmaceutiques, diététiques ou alimentaires comme ceux désignés par ces
marques. Ce public se compose de pharmaciens, qui malgré une connaissance non
assurée du latin, auront une attention particulière pour ces produits du fait de
la nécessité de conseiller leurs clients, de professionnels de la nutrition
ayant une certaine connaissance des termes latins utilisés dans leur domaine
d’intervention, mais aussi d’une partie du grand public développant un intérêt
pour ce domaine et montrant une attention particulière pour les produits liés à
la santé et l’alimentation.
La traduction plus aisée du terme « armoricum » évoque la Bretagne,
soit la région d’origine des poissons utilisés pour cette préparation ou son
lieu de réalisation. Or, l’association de ces deux termes descriptifs, désignant
la qualité essentielle pour le premier et la provenance géographique pour le
second, des produits visés à l’enregistrement, ne saurait écarter l’absence de
distinctivité et est de nature à tromper le public.
Par ailleurs, l’usage du terme « garum », tant sur les boîtes du
produit vendu par l’intimée que dans sa communication sur Internet, n’est pas de
nature à tromper le consommateur sur l’origine du produit et ne constitue pas
une contrefaçon des marques Garum. En effet, ce terme, systématiquement associé
à d’autres comme « armoricum » ou « sociorum exquisitus » n’est pas utilisé en
tant que marque, mais afin de désigner un des composants du produit vendu.
4. Pas de contrefaçon de Sophie la Girafe
:
Le TGI de Paris a jugé le 21 septembre 2017 que la représentation
de la girafe revendiquée au titre du droit d’auteur n’est pas contrefaite par la
silhouette pleine d’un buste de cet animal apposée sur les vêtements litigieux.
La reprise à l’identique de la forme des oreilles et des cornes, qui sont les
parties les plus communes en ce qu’elles sont les plus fidèles à l’animal réel,
est insuffisante pour caractériser la contrefaçon même partielle de l’oeuvre, en
l’absence de reproduction des caractéristiques essentielles visibles sur la face
de la girafe invoquée.
La contrefaçon des marques figurative et complexe n’est pas
davantage constituée. Le consommateur d’attention moyenne percevra la
représentation du buste de la girafe sur la quasi-totalité de la face avant du
vêtement comme un usage à titre exclusivement décoratif et non comme une
garantie de la provenance des produits. En tout état de cause, il existe des
différences visuelles entre les signes. En effet, la silhouette incriminée –
identique en ses contours à celle des marques - ne reprend aucun des éléments
caractéristiques et dominants (large sourire, grands yeux rieurs) de la face de
la girafe invoquée.
L’usage des termes « Sophie La Girafe » dans une mention présentant
les vêtements litigieux sur le site internet de la société défenderesse ne
contrefait pas la partie verbale ou la marque verbale éponymes. Il s’agit d’un
usage fait à titre purement informatif, pour désigner le motif décoratif qui
orne le sweat-shirt et le produit qu’il évoque.
En revanche, la société défenderesse a commis des actes de
parasitisme en utilisant à titre de décoration sur les vêtements commercialisés
une silhouette d’autant plus évocatrice du jouet « Sophie La Girafe » que tout
le site, qui s’ouvre sur une image du motif litigieux, rappelle au consommateur
que le produit qu’il achète, désigné sous l’appellation « Sophie », est une
référence explicite au jouet.
5.
Ombre fumée c/ Ombre rose :
Le
titulaire des marques Ombre fumée, Fleurs d’ombre, Ombre bleue, Ombre platine,
Ombre rubis, Ombre orientale invoque une famille de marques incluant le terme
« ombre ». Il a souhaité engager une action en contrefaçon contre le titulaire
de la marque Ombre rose.
Le TGI
de Paris a jugé le 21 septembre 2017 que si l’existence d’une famille de marques
- revendiquée par le demandeur au titre de ses nombreuses marques incluant le
terme « ombre » - peut être prise en compte dans l’appréciation du risque de
confusion, elle ne doit pas interférer dans la comparaison nécessaire des signes
pour l’appréciation de la similitude.
Or, en
l’espèce, l’existence du terme d’attaque commun ne suffit pas à effacer les
différences visuelle, phonétique et intellectuelle existant entre les termes «
rose » et «fumée ».
La
contrefaçon n’est donc pas établie même si la marque litigieuse OMBRE FUMÉE a
été utilisée pour commercialiser une eau de parfum, produit similaire aux
produits de parfumerie visés par les marques antérieures verbale et
semi-figurative OMBRE ROSE.
6. La photo d’un visage
de mannequin est une marque valable
:
La
Chambre des Recours de l’EUIPO a jugé le 16 novembre 2017 que le visage d’un
mannequin pouvait constituer une marque valable : il s’agit du visage de Maartje
Verhoef et la marque a été déposée dans 10 classes.
L’EUIPO
considère que le signe en question, qui consiste donc dans une représentation
réaliste de la tête ou du visage d’une femme, représentée en couleur ordinaires,
et sur un fond commun, permet au public d’identifier l’origine commerciale des
produits et services concernés, et en particulier une origine commerciale
émanant de la personne spécifiquement représentée.
Une
photo du visage d’une personne, sous la forme d’une photo d’identité est une
représentation unique de cette personne, y compris ses caractéristiques externes
spécifiques. La représentation d’un visage permet d’identifier une personne et
donc de la distinguer des autres. Le signe en cause est donc susceptible de
remplir la fonction essentielle de la marque, à savoir la distinction entre les
produits et les services pour lesquels l’enregistrement est demandé de ceux dont
l’origine est différente.
Ce type de marques ne devrait pas manquer de susciter divers
problèmes notamment sur l’usage du signe tel que déposé !
7.
Brèves de marques et de noms de domaine:
·
La marque « Allure
Coiffure, la qualité à petit prix » contrefait la marque ALLURE.
·
La marque « Fiesta » n’est
pas contrefaite par la marque « Fiesta Foot Vico supporter officiel de bons
moments ».
·
La marque « HEC » ne porte
pas atteinte à la marque « Cec » (EUIPO).
·
La marque « ACCORD COACH »
contrefait la marque « ACCORD ».
·
La marque « SABRA » porte
atteinte à la marque « SABRE Holdings ».
·
La marque « Chauss’Marques »
porte atteinte à la marque antérieure « Chauss ».
·
La marque « Creamoov
Dance » ne contrefait pas la marque « Cream ».
·
La marque « Easycolis »
contrefait la marque « Easy ».
·
La marque « Audinova » ne
porte pas atteinte à la marque « Audi ».