Le droit de vos affaires  

Imprimer

         
 
La Juri-Lettre
 

  Information Juridique du 6 Mars 2018  


par Christophe DEGRAVE
de la société
@vomark
 

 

  • REVUE DE PRESSE MARS 2018


1.  Pitch  c/  pitch:

L’affaire Pitch a défrayé la chronique ces derniers temps et en y regardant de près, c’est plutôt surprenant ! 

Pasquier est propriétaire de la marque Pitch pour des brioches bien connues. Mais le mot « pitch » est aussi un terme couramment utilisé pour résumer un film ou une œuvre ou encore dans le marketing pour présenter de façon courte et précise un projet par exemple. 

Le groupe Pasquier étant titulaire de plusieurs marques déposées dans de nombreuses classes, a engagé diverses actions contre des start-up françaises (pas du tout concernées par l’alimentaire) utilisant le mot Pitch (L’école du Pitch, Pitch in the plane …) en leur demandant de renoncer à ce terme. 

Si une marque est un titre de propriété intellectuelle qui confère un monopole à son titulaire dans un domaine d’activités, il n’est en revanche pas question de privatiser un terme qui peut être employé par tous dans le langage courant dans son sens usuel. 

La marque Pitch de Pasquier n’est toutefois pas exploitée dans de nombreuses classes et sa démarche est-elle réellement constructive ? Pasquier essaie de se préserver d’une éventuelle dégénérescence mais on ne comprend pas sa démarche. Nous ne sommes pas en présence d’une marque nommant un produit ou service qui correspond au mot utilisé dans le langage courant comme ce fut le cas pour Pinacolada, Aspirin, Velux, Pédalo ou Caddie. Ces marques désignent bien le produit usuel (et il est compliqué de lui substituer un autre terme) et soit le titulaire réagit contre les usages de sa marque, soit il ne fait rien et sa marque tombe dans le domaine public. 

A titre d’exemple, SFR, titulaire de la marque Texto a défendu bec et ongles sa marque pendant des années avant de laisser la marque être utilisée par tous comme un mot usuel et courant pour désigner un court message envoyé par téléphone. 

Pitch se lance donc dans une bataille sans grand intérêt puisque sa marque doit naturellement être défendue dans le domaine alimentaire pour préserver sa valeur juridique (et patrimoniale) mais elle risque à terme la déchéance sur les classes qui ne sont pas exploitées et ne pourra interdire à quiconque d’utiliser le mot « pitch »  dans son sens courant ! 

2. Marque OÉ  c/ Marque OE  

La Cour de Paris décide le 14 novembre 2017 que le signe contesté OE ne contrefait pas la marque verbale antérieure OÉ. S’il est exact que dans certains cas l’adjonction ou la suppression d’un élément tel qu’un accent ou une apostrophe n’empêche pas la reproduction, c’est uniquement lorsque la différence typographique n’est qu’insignifiante, ce qui n’est pas le cas en l’espèce. En effet, la marque invoquée ne comporte que deux caractères et se retrouve, de ce fait, modifiée à 50 % par cette suppression d’accent sur le E. Les deux signes, en raison de ces différences visuelle et phonétique, ne sont en définitive que faiblement similaires. 

Le risque de confusion est ici inexistant puisque, par ailleurs, le client ne découvrira le signe contesté, sur le couvercle et le blister des produits, qu’après avoir ouvert leur emballage qui ne comporte que la marque Oenobiol. 

De même, il ne verra le signe contesté sur les pages du site internet « oenobiol.com » qu’après avoir ouvert le site à ce nom. Il saura donc pertinemment qu’il est en présence d’un produit Oenobiol qu’il recherche et non d’un produit OÉ.

 

3.  Nullité des marques Garum et Garum Armoricum  :  

La Cour de Paris a jugé le 12 décembre 2017 que les marques Garum et Garum Armoricum étaient nulles pour défaut de caractère distinctif pour les produits des classes 5 et 29. 

Depuis l’Antiquité, le terme latin « garum » désigne communément une préparation de viscères et de morceaux de poissons reconnue pour ses vertus médicinales naturelles. Certes, il ne s’agit pas d’un terme courant connu du grand public, mais pour le public visé, il est descriptif s’agissant de produits pharmaceutiques, diététiques ou alimentaires comme ceux désignés par ces marques. Ce public se compose de pharmaciens, qui malgré une connaissance non assurée du latin, auront une attention particulière pour ces produits du fait de la nécessité de conseiller leurs clients, de professionnels de la nutrition ayant une certaine connaissance des termes latins utilisés dans leur domaine d’intervention, mais aussi d’une partie du grand public développant un intérêt pour ce domaine et montrant une attention particulière pour les produits liés à la santé et l’alimentation. 

La traduction plus aisée du terme « armoricum » évoque la Bretagne, soit la région d’origine des poissons utilisés pour cette préparation ou son lieu de réalisation. Or, l’association de ces deux termes descriptifs, désignant la qualité essentielle pour le premier et la provenance géographique pour le second, des produits visés à l’enregistrement, ne saurait écarter l’absence de distinctivité et est de nature à tromper le public. 

Par ailleurs, l’usage du terme « garum », tant sur les boîtes du produit vendu par l’intimée que dans sa communication sur Internet, n’est pas de nature à tromper le consommateur sur l’origine du produit et ne constitue pas une contrefaçon des marques Garum. En effet, ce terme, systématiquement associé à d’autres comme « armoricum » ou « sociorum exquisitus » n’est pas utilisé en tant que marque, mais afin de désigner un des composants du produit vendu. 

4.  Pas de contrefaçon de Sophie la Girafe :

 

 Le TGI de Paris a jugé le 21 septembre 2017 que la représentation de la girafe revendiquée au titre du droit d’auteur n’est pas contrefaite par la silhouette pleine d’un buste de cet animal apposée sur les vêtements litigieux. La reprise à l’identique de la forme des oreilles et des cornes, qui sont les parties les plus communes en ce qu’elles sont les plus fidèles à l’animal réel, est insuffisante pour caractériser la contrefaçon même partielle de l’oeuvre, en l’absence de reproduction des caractéristiques essentielles visibles sur la face de la girafe invoquée. 

La contrefaçon des marques figurative et complexe n’est pas davantage constituée. Le consommateur d’attention moyenne percevra la représentation du buste de la girafe sur la quasi-totalité de la face avant du vêtement comme un usage à titre exclusivement décoratif et non comme une garantie de la provenance des produits. En tout état de cause, il existe des différences visuelles entre les signes. En effet, la silhouette incriminée – identique en ses contours à celle des marques - ne reprend aucun des éléments caractéristiques et dominants (large sourire, grands yeux rieurs) de la face de la girafe invoquée. 

L’usage des termes « Sophie La Girafe » dans une mention présentant les vêtements litigieux sur le site internet de la société défenderesse ne contrefait pas la partie verbale ou la marque verbale éponymes. Il s’agit d’un usage fait à titre purement informatif, pour désigner le motif décoratif qui orne le sweat-shirt et le produit qu’il évoque. 

En revanche, la société défenderesse a commis des actes de parasitisme en utilisant à titre de décoration sur les vêtements commercialisés une silhouette d’autant plus évocatrice du jouet « Sophie La Girafe » que tout le site, qui s’ouvre sur une image du motif litigieux, rappelle au consommateur que le produit qu’il achète, désigné sous l’appellation « Sophie », est une référence explicite au jouet.

5.  Ombre fumée  c/  Ombre rose : 

Le titulaire des marques Ombre fumée, Fleurs d’ombre, Ombre bleue, Ombre platine, Ombre rubis, Ombre orientale invoque une famille de marques incluant le terme « ombre ». Il a souhaité engager une action en contrefaçon contre le titulaire de la marque Ombre rose.

 

Le TGI de Paris a jugé le 21 septembre 2017 que si l’existence d’une famille de marques - revendiquée par le demandeur au titre de ses nombreuses marques incluant le terme « ombre » - peut être prise en compte dans l’appréciation du risque de confusion, elle ne doit pas interférer dans la comparaison nécessaire des signes pour l’appréciation de la similitude.  

Or, en l’espèce, l’existence du terme d’attaque commun ne suffit pas à effacer les différences visuelle, phonétique et intellectuelle existant entre les termes « rose » et «fumée ».  

La contrefaçon n’est donc pas établie même si la marque litigieuse OMBRE FUMÉE a été utilisée pour commercialiser une eau de parfum, produit similaire aux produits de parfumerie visés par les marques antérieures verbale et semi-figurative OMBRE ROSE. 

6. La photo d’un visage de mannequin est une marque valable : 

La Chambre des Recours de l’EUIPO a jugé le 16 novembre 2017 que le visage d’un mannequin pouvait constituer une marque valable : il s’agit du visage de Maartje Verhoef et la marque a été déposée dans 10 classes.

 

 

L’EUIPO considère que le signe en question, qui consiste donc dans une représentation réaliste de la tête ou du visage d’une femme, représentée en couleur ordinaires, et sur un fond commun, permet au public d’identifier l’origine commerciale des produits et services concernés, et en particulier une origine commerciale émanant de la personne spécifiquement représentée. 

Une photo du visage d’une personne, sous la forme d’une photo d’identité est une représentation unique de cette personne, y compris ses caractéristiques externes spécifiques. La représentation d’un visage permet d’identifier une personne et donc de la distinguer des autres. Le signe en cause est donc susceptible de remplir la fonction essentielle de la marque, à savoir la distinction entre les produits et les services pour lesquels l’enregistrement est demandé de ceux dont l’origine est différente.

 Ce type de marques ne devrait pas manquer de susciter divers problèmes notamment sur l’usage du signe tel que déposé ! 

7.  Brèves de marques et de noms de domaine:

 

·         La marque « Allure Coiffure, la qualité à petit prix » contrefait la marque ALLURE.

·         La marque « Fiesta » n’est pas contrefaite par la marque « Fiesta Foot Vico supporter officiel de bons moments ».

·         La marque « HEC » ne porte pas atteinte à la marque « Cec » (EUIPO).

·         La marque « ACCORD COACH » contrefait la marque « ACCORD ».

·         La marque « SABRA » porte atteinte à la marque « SABRE Holdings ».

·         La marque « Chauss’Marques » porte atteinte à la marque antérieure « Chauss ».

·         La marque « Creamoov Dance » ne contrefait pas la marque « Cream ».

·         La marque « Easycolis » contrefait la marque « Easy ».

·         La marque « Audinova » ne porte pas atteinte à la marque « Audi ».


@vomark 3 rue de Provence 75009 PARIS - Tel: 01 48 24 40 40
 

   

Cabinet BUSINESS & LAW
10 rue du Colisée
75008 PARIS
Tel: 01 42 89 63 05